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Éditorial du mois

Éditorial de mai 2024

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Vraie et fausse ferveur

Il y a quelques années, au sein de ma paroisse, j’ai invité une dame à participer à un projet pastoral qui me tenait à cœur. Sa réponse m’a pris au dépourvu: «Peut-être. Dès que je reçois sept signes de Dieu, je te dirai si je peux m’engager.» Sur le coup, je n’ai pas trop su quoi faire avec cette drôle de réponse. Sept signes de Dieu… cela pouvait prendre du temps!

Certes, je voulais honorer le souci de la dame de bien discerner avant de s’investir. Quel chrétien ou chrétienne peut s’opposer à ce qu’une sœur dans la foi cherche à lire la volonté de Dieu dans les replis de son existence? En même temps, la réponse sonnait faux à mes oreilles. Qu’est-ce qui clochait?

Je l’ai découvert quand je suis revenu vers elle pour plaider ma cause: j’avais besoin d’un retour assez rapide. Voulant me rassurer, elle m’a rétorqué: «Ne t’en fais pas, Jésus m’envoie des signes très clairs plusieurs fois par jour, je te reviens donc d’ici demain.» Au lieu de me tranquilliser, cette réponse m’a plutôt glacé le sang: cette femme semblait croire que la vie spirituelle se résume à une communication transparente avec le bon Dieu, à coup de signaux clignotants.

Cette certitude quant à ce que Dieu veut, pour soi et pour les autres, passe parfois pour de la ferveur religieuse. Les convaincus, les «purs et durs», craignent plus que tout d’avoir une foi tiède. Cependant, une analyse plus approfondie révèle que cette attitude est surtout contraire à l’Évangile. C’est elle que Jésus dénonce dans la parabole du pharisien et du publicain: le premier se croit en règle avec Dieu dans la mesure où il est certain qu’il sait ce que le Seigneur attend de lui et des autres. Et il se trompe royalement! Pour reprendre ce que dit Alain Cugno dans un récent numéro de la revue Études: «La fausse piété se caractérise par sa prétention à savoir ce que Dieu dit.»

Cela signifie-t-il que toute ferveur, tout zèle nous est interdit? Absolument pas! Nous pouvons brûler du feu de l’Évangile, prêts à tout par amour. Mais à condition que ce brasier soit allumé dans une âme fondamentalement humble, qui prie en disant «je crois!» plutôt que «je sais!» C’est pourquoi la liturgie nous fait entendre la parole de Dieu, mais seulement après que nous nous sommes reconnus comme des êtres limités et fragiles.

Jonathan Guilbault