Éditorial du mois

Éditorial de janvier 2026

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Les «vers d’oreille» spirituels

Qui n’a jamais entendu une chanson et pensé: «Voilà exactement ce que je ressens! Voilà précisément ce que je vis…»? Parfois, on a l’impression qu’on aurait pu l’écrire soi-même, tellement elle exprime à merveille notre état intérieur.

Les jeunes, en particulier, écoutent de la musique avec passion. Son effet sur leur sensibilité est immense. Elle agit comme un catalyseur dans le tourbillon d’émotions contradictoires qui marquent cette période où la personnalité se construit et où tout semble encore possible. Pas étonnant que, tout au long de notre vie, nous revenions aux succès qui ont bercé notre jeunesse!

J’avais quinze ou seize ans quand Daniel Bélanger a lancé Quatre saisons dans le désordre. L’album se termine sur la chanson Primate électrique, dont les derniers mots résumaient bien, à l’époque, ma posture spirituelle: «Aujourd’hui, Dieu m’intrigue / Et j’attends le printemps.»

En fait, ce mélange d’espérance et de foi fragile, mais sincère, décrit encore assez bien ma manière d’être croyant. Si bien que, sans m’en rendre compte, il m’arrive de fredonner cette mélodie, comme pour m’y accrocher ou y puiser un peu de clarté dans la confusion.

Chacun a ses «classiques», et il est sain d’y revenir, pour se souvenir de qui l’on est. Mais la liturgie aussi nous offre, chaque jour, une forme de répertoire: celui des «tubes» bibliques que sont les psaumes. Ils expriment toute la palette des émotions humaines vécues par le peuple de Dieu: louange, révolte, plainte, confiance. Toute personne peut y reconnaître sa propre prière.

Jésus lui-même a prié avec les psaumes. Et parce qu’il s’est uni à notre condition humaine, c’est sa propre voix, en un sens, que nous entendons dans ces cris vers Dieu. Nous en souvenir peut changer notre manière de vivre ce moment de la messe où les psaumes sont chantés ou proclamés. Bien plus qu’un simple interlude entre deux lectures, c’est un espace de résonance: celle d’un refrain qui parle de nous et pour nous.

Et si, dans notre quête de sens, les psaumes devenaient ces airs familiers, ces « vers d’oreille» de la vie spirituelle que l’on garde en tête longtemps après qu’ils ont été chantés? Comme un souffle ancien qui nous habite encore, et qui sait dire l’essentiel, quand nos mots à nous ne suffisent plus.

Jonathan Guilbault