Éditorial du mois Éditorial d’octobre 2025 A A Dissiper le brouillard Il est parfois nécessaire, pour un parent, de corriger son enfant. C’est ainsi qu’il apprend à bien se comporter en société, à distinguer ce qui est bon de ce qui ne l’est pas, pour lui comme pour les autres. Entre adultes, cependant, la chose se complique. On invoque souvent la célèbre citation «ne jugez pas, pour ne pas être jugés» (Matthieu 7, 1) pour se convaincre qu’il vaut mieux s’abstenir de toute remarque sur le comportement d’autrui. Il y a là une certaine sagesse: nous avons, en effet, une fâcheuse tendance à juger trop vite. Il faut savoir aussi que «toute vérité n’est pas bonne à dire», comme le rappelle le dicton. Non qu’il faille préférer le mensonge, mais il arrive que l’autre ait davantage besoin d’un geste de compassion, d’un «je te comprends» ou d’un «ma pauvre amie, je suis de tout cœur avec toi», plutôt qu’une vérité dite trop brutalement. Il y a un temps pour tout. Alors, qu’en est-il de cette «correction fraternelle» dont parle l’Évangile (cf. Matthieu 18, 15-17)? Faut-il rester silencieux devant les égarements de nos proches, sous prétexte qu’on ne peut sonder leur cœur ou qu’on doit respecter leur peine? Au contraire: avoir le courage de dire une parole qui éclaire la conscience, c’est souvent un acte d’amour. C’est une façon de manifester à l’autre que nous sommes son compagnon, fidèle et digne de confiance, sur la route accidentée de la sainteté. C’est même l’une des formes que peut prendre notre effort missionnaire. Car le but ne devrait jamais être d’avoir raison pour le plaisir d’avoir raison. Si nous décidons de conscientiser quelqu’un, que ce soit par amour, pour lui transmettre cette conviction profonde: «la vérité [rend] libre» (Jean 8, 32). Ce faisant, nous annonçons l’Évangile, même sans prononcer le nom de Jésus. Je me souviendrai toujours de ce professeur de mathématiques au cégep. Il avait refusé d’arrondir ma note à l’examen pour me faire passer, mais avait eu la gentillesse de m’inviter à dîner. Pendant le repas, il m’avait dit, en substance: «Tu n’es pas là. En classe, tu es ailleurs. Toi qui as tant soif d’aimer et d’être aimé, si tu n’es pas pleinement présent à ce que tu fais, comment pourrais-tu vraiment comprendre les gens autour de toi?» En un instant, il m’a libéré de l’illusion que jouer les cancres rebelles et soi-disant «cool» pouvait me rendre intéressant. Cet homme a habilement manié vérité et charité pour me faire mieux comprendre les exigences de l’amour. En ce mois missionnaire, nul besoin de crier «Jésus» sur tous les toits. Parfois, il suffit d’oser, avec délicatesse et humilité, dissiper les brouillards qui obscurcissent le chemin de notre prochain. Jonathan Guilbault