Éditorial du mois Éditorial de juillet 2025 A A Fautif… et heureux! «Je me sens coupable alors que je ne devrais même pas… C’est sans doute à cause de mon éducation judéo-chrétienne.» J’entends régulièrement cette rengaine dans la bouche de personnes bien intentionnées, reprenant ainsi une critique facile et typique de notre société. Aujourd’hui, on se méfie du sentiment de culpabilité. On en connaît les ravages psychologiques. Il faut dire que plusieurs générations chez nous ont été marquées au fer rouge par une Église parfois plus prompte à débusquer les moindres péchés qu’à transmettre la joie d’être sauvé. Nous avons ainsi collectivement perdu les repères qui nous permettraient d’apprécier pleinement le trésor spirituel que représente la capacité à reconnaître ses torts. Ce qui a fait d’Israël, aux temps bibliques, un peuple unique au milieu des nations, c’est son aptitude à poser un regard lucide et critique sur ses actions. Même le roi David, pourtant symbole de grandeur, n’échappe pas à l’examen de conscience rigoureux des auteurs bibliques. L’amour de Dieu ne pouvait pleinement se révéler qu’au sein d’un peuple qui avait appris, parfois à ses dépens, à ne pas se complaire dans l’autoglorification. Celui qui est convaincu de sa propre grandeur et de son bon droit n’a pas besoin de l’amour d’un autre: il croit se suffire à lui-même. Pensons au pharaon dans le livre de l’Exode. Mais cela signifie-t-il que l’amour doit s’appuyer sur la faute, sur la culpabilité? Doit-on «réussir» son acte de contrition pour que l’amour miséricordieux de Dieu s’exprime pleinement? J’ai rencontré bien des personnes convaincues qu’elles devaient se sentir «suffisamment coupables» pour que le pardon divin soit «valable». C’est prendre la question à l’envers. La bonté de Dieu ne découle pas de notre pénitence. C’est l’amour divin qui, agissant en nous, nous permet de voir nos fautes à la lumière de cet amour. C’est parce que nous nous savons aimés que nous ressentons parfois combien nos actes sont en contradiction avec cet amour. Il existe donc bel et bien un sentiment de culpabilité nuisible à notre vie spirituelle: celui qui naît de la peur de décevoir Dieu. Mais cette angoisse est une perversion, un contresens de la véritable «culpabilité judéo-chrétienne». Nous ne progressons pas spirituellement en accumulant les mea culpa. C’est la bonté de Dieu qui nous façonne de l’intérieur pour nous rendre toujours plus semblables à lui. Cette bonté est une lumière qui éclaire nos zones d’ombre et rend possible notre action de grâce: «Comme tu m’aimes, Seigneur! Prends pitié de moi, je veux aimer comme toi!» Jonathan Guilbault